Loi de Participation Populaire: Introduction
Le 20 avril 1994, le Gouvernement de G. Sánchez de Lozada (1993-1997) promulgue la Loi de Participation Populaire dans le cadre d'un large programme de réformes économiques et politiques. Ces réformes sont connues comme les « réformes de seconde génération » et succèdent au programme d'ajustement structurel appliqué dans le pays à partir de 1985. La Loi de Participation Populaire dote d'un rôle actif les 314 municipalités boliviennes grâce à un transfert de fonds et de compétences depuis l'administration centrale vers les gouvernements locaux et promeut la participation de la population dans la planification et la gestion locale de projets sociaux et productifs. Pour se faire une idée de la mesure du changement que représente cette loi, il faut savoir que jusqu'à ce moment, seulement 24 sections de province dans le pays recevaient des fonds du Gouvernement central et la juridiction territoriale des municipalités ne s'étendait pas au-delà des zones urbaines, laissant la plus grande partie du territoire bolivien sans présence et hors du contrôle de l'Etat.
Décriée à ses débuts par certains secteurs qui la considéraient comme une « loi maudite », porteuse de tous les espoirs du pays pour d'autres, la Loi de Participation Populaire continue de susciter de nombreuses discussions. S'il existe un consensus, c'est que cette loi est à l'origine d'un processus considéré aujourd'hui comme irréversible, et qu'elle a bouleversé la façon de penser le pays et son développement. Il existe par ailleurs une conviction assez généralisée que le modèle de décentralisation à travers les municipalités a obtenu des résultats très positifs, même si de nombreux analystes, tout en reconnaissant la transcendance des changements apportés par ce modèle, expriment leur scepticisme quant aux résultats sociaux et économiques.
Après avoir travaillé en Bolivie dans le domaine du développement rural pendant plus de trois ans, il me parait aujourd'hui impossible d'oeuvrer dans ce secteur sans connaître et prendre en compte ce nouveau modèle de gestion de l'Etat, d'autant moins lorsque le travail se réalise en contact direct avec les municipalités, comme c'est le cas pour un grand nombre d'Organisations Non Gouvernementales (ONGs). Je suis également en contact quotidien avec des personnes qui mentionnent tel ou tel aspect de la réalité comme « une conséquence de la participation populaire », et ce modèle génère souvent des débats parfois passionnés, autre preuve de son importance qui ne manque pas d'attiser ma curiosité et le désir d'approfondir le sujet.
Je ne pouvais donc rester indifférente à la réflexion suscitée par l'application de cette loi et les changements qu'elle a entraîné, ni à l'influence de celle-ci sur le travail de la coopération internationale, des ONGs et, finalement, à son effet sur le développement du pays au sens large. Le choix du sujet de recherche pour l'élaboration de ce travail de fin d'études, visant à l'obtention du titre de DES en Coopération au Développement, s'est donc imposé à moi. J'espère pouvoir en éclaircir certains aspects et en particulier sa relation au développement et à la coopération. A dix ans de la promulgation de cette loi que certains appellent la « révolution silencieuse », cette recherche a pour but de faire le point sur la politique de décentralisation municipale telle qu'elle a été appliquée en Bolivie, en particulier dans les municipalités rurales, pour lesquelles ce modèle de décentralisation a représenté un changement profond, leur donnant finalement un rôle actif dans la gestion de leur développement.
Ce mémoire se base d'une part sur la révision de l'abondante bibliographie traitant de la décentralisation en général et du cas bolivien en particulier. Il est également élaboré à partir de mon expérience concrète en étroite coordination avec une dizaine de municipalités rurales du Département de Cochabamba, et finalement sur différents entretiens et discussions avec des personnes liées au processus d'implémentation de cette loi, qui ont eu la gentillesse de m'offrir leur perception du processus. Une des principales difficultés de ce travail a été de limiter le champ de recherche en déterminant les éléments fondamentaux, tant la participation populaire a eu une influence directe ou indirecte sur une infinité d'aspects sociaux, culturels, économiques et politiques.
Dans le cadre de ce mémoire, j'ai souhaité en particulier analyser les principales innovations apportées par la Loi de Participation Populaire et apporter des éléments de réponse quant à son rapport avec la lutte contre la pauvreté, la consolidation de la démocratie, la notion de citoyenneté ou l'émergence des mouvements indigènes. J'ai également tenté de faire le point sur les difficultés que rencontre l'application de ce modèle et les défis qui y sont liés. De manière transversale, l'accent est porté sur la problématique du développement et sa relation avec cette réforme, en particulier en ce qui concerne la lutte contre la pauvreté et les implications de la participation populaire pour la coopération internationale en Bolivie.
Dans une première partie du travail, après une description de la méthodologie utilisée et un rappel des principales théories sur la décentralisation qui permettra d'éclairer l'analyse du modèle bolivien, prend place une brève introduction sur l'histoire bolivienne, nécessaire pour comprendre le contexte historique dans lequel s'insère la Loi de Participation Populaire. La deuxième partie, qui constitue le coeur de ce travail de recherche, est centrée sur l'analyse du processus engendré par la Loi de Participation Populaire. J'y discute l'origine de la loi et les objectifs initiaux pour lesquels elle a été conçue, je réalise une synthèse de la Loi de Participation Populaire et des principales innovations qu'elle a apporté, ainsi qu'un aperçu d'autres lois liées au modèle de décentralisation. J'analyse ensuite les différents problèmes et difficultés qui sont apparus au cours de l'implémentation de la loi, ainsi que l'impact obtenu par rapport à ses deux principaux objectifs initiaux - perfectionnement de la démocratie et amélioration des conditions de vie - en insistant en particulier sur les impacts en termes de lutte contre la pauvreté. Une troisième partie se centre plus précisément sur le rôle des organismes de coopération et des organisations non gouvernementales dans ce nouveau cadre. Cette partie se termine par une analyse des perspectives du processus.
J'espère que ce travail de recherche permettra au lecteur de se faire une idée - certes incomplète en raison des angles d'analyse choisis - de ce qu'ont représenté, dans les zones rurales, les dix premières années du processus de décentralisation municipale et les implications de cette réforme pour le pays et son développement au sens large.
Avant la Loi de Participation Populaire, la Loi Organique de Municipalités limitait la juridiction territoriale des gouvernements municipaux aux capitales de département, de province, de section municipale et de cantons, c'est-à-dire aux zones urbaines.
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