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Impact de la Loi de Participation Populaire

Afin d'évaluer l'impact de la Loi de Participation Populaire, je reprends les deux grands objectifs initiaux de la loi - perfectionnement de la démocratie et amélioration des conditions de vie - afin de voir dans quelle mesure l'application de la participation populaire a permis d'obtenir un impact dans ces deux domaines.

1. Perfectionnement de la démocratie

Le premier objectif de la loi est le perfectionnement de la démocratie, à travers l'insertion sociale des groupes marginalisés, en particulier les communautés paysannes et indigènes. Je traiterai ce thème en analysant la participation des secteurs indigènes et paysans et dans quelle mesure et avec quels résultats ces secteurs ont pu occuper les nouveaux espaces de pouvoir crées par la participation populaire au niveau local et si cela s'est traduit par un changement au niveau national. L' «  empowerment  » entendu comme « transférer le pouvoir au peuple au lieu de perpétuer les relations génératrices de dépendance, caractéristiques des approches 'du haut vers le bas' » est ici une notion centrale, qui peut être considérée comme une transversale de l'application de la Loi de Participation Populaire.

1.1. Le pouvoir local accessible aux secteurs indigène et paysan ?

Une des grandes innovations de la participation populaire a été l'octroi de la personnalité juridique aux OTBs et la reconnaissance des autorités traditionnelles des différentes communautés. La reconnaissance des dirigeants locaux a permis que la population s'approprie des changements générés par la loi et que les projets de développement décidés et exécutés au niveau local acquièrent crédibilité et légitimité. C'est probablement au niveau de la participation politique que se sont produits les impacts les plus spectaculaires de la Loi de Participation Populaire: les communautés et leurs leaders sont aujourd'hui impliqués comme jamais dans les processus politiques, occupent des espaces plus ou moins importants dans les gouvernements municipaux et, depuis les dernières élections, ont la possibilité de se passer de la médiation des partis politiques pour accéder au pouvoir.

Certains auteurs (Blanes, Molina, Patzi) argumentent que la Participation Populaire a d'abord profité aux élites locales - oligarchies résidant dans les villages ou « villes intermédiaires » - qui ont trouvé dans l'implémentation de la Loi de Participation Populaire l'opportunité d'occuper des espaces importants dans les gouvernements municipaux. D'après eux, ces élites, qui ont des contacts avec les villes, sont bilingues, ont accès aux partis traditionnels et ont accédé à des niveaux moyens d'éducation, ont été les mieux à même de s'approprier les mécanismes de contrôle, et récupèrent ainsi les espaces qu'ils avaient perdus avec la Réforme Agraire de 1953. Ils assument des fonctions de leaders locaux, parfois en accord, mais le plus souvent en directe opposition avec les organisations paysannes et indigènes.

Il semble que différents cas se soient présentés, selon les contextes historiques et culturels locaux, mais il est indéniable que de plus en plus de municipalités - en particulier depuis les dernières élections municipales où le MAS a obtenu de très bons résultats - sont gouvernées par des leaders locaux, paysans ou indigènes, qui n'auraient jamais eu accès a ces espaces de pouvoir sans la Loi de Participation Populaire.

En travaillant sur la base de chiffres globaux, au cours des premières élections post participation populaire de 1995, 464 conseillers municipaux indigènes se sont fait élire, soit 30% du total, ce qui a représenté un bouleversement complet dans l'administration du pays. Il est intéressant d'analyser quelles ont été les alternatives de participation politique pour les leaders indigènes et paysans, à partir de l'application de la loi. A ce propos, Xavier Albó identifie cinq stratégies qui ont été appliquées pour occuper les espaces de pouvoir municipaux et qui dénotent de la relation dialectique entre les partis politiques et les organisations de paysans et indigènes :

  • Les partis politiques placent leurs militants comme candidats, préférant souvent placer des candidats d'origine urbaine même dans les municipalités rurales
  • Les partis politiques proposent leur médiation aux candidats locaux sans appartenance politique, comme stratégie pour s'assurer une meilleure présence dans la région
  • Des dirigeants locaux se proposent comme candidats pour un parti
  • Les organisations de paysans / indigènes choisissent leurs propres candidats et décident à quel parti les associer
  • L'organisation de paysans / indigènes décide de former son propre parti

Luján mentionne aussi que certains partis ont adopté la stratégie d'utiliser des leaders locaux dans le seul but de capter des voix, remplaçant ensuite les représentants élus par leurs militants, en utilisant divers moyens de pression.

En effet, au cours des élections suivantes, en 2000, le nombre d'élus indigènes dans les municipalités baisse de manière spectaculaire. Ardaya interprète cette diminution comme une conséquence du changement de stratégie des partis politiques, qui ont fait alliance avec les organisations sociales locales en 1995, mais qui en 1999, sentant les espaces de pouvoir assurés, ont donné la priorité à leurs militants, encourageant le retour au pouvoir des vieilles élites.

Ardaya ajoute que ce retour en arrière des partis traditionnels explique en bonne mesure le succès du MAS aux élections générales de 2002, grâce à son ouverture aux organisations sociales et paysannes. L'exclusion politique qu'ont réalisé les partis en 1995 est donc d'après lui à l'origine de l'actuelle corrélation de forces et de la perte de crédibilité des partis traditionnels.

1.2. Résultats de gestion des nouveaux acteurs politiques

Il semble très difficile de dégager une conclusion générale des résultats de gestion dans les municipalités dirigées par des maires et un conseil municipal à majorité indigène ou paysanne. Il est clair que dans la plupart des cas, ces acteurs ont manqué de préparation pour faire face à la responsabilité de diriger une municipalité, montrant souvent une méconnaissance des normes légales et administratives en vigueur. Si dans de nombreuses municipalités, cette faiblesse a été compensée par un plus grand engagement en faveur de la population, obtenant des résultats de gestion très positifs, dans d'autres cas la gestion a été un désastre, soit par le manque de capacités techniques des nouvelles autorités, soit parce que celles-ci ont perçu l'espace de pouvoir comme une opportunité d'obtenir des avantages personnels. D'autre part, les maires indigènes sont souvent « conseillés » par de ONGs ou des consultants, et là aussi les résultats ont été très positifs dans certains cas, alors que dans d'autres il y a eu manipulation des autorités en faveur de l'ONG ou du consultant.

Les expériences négatives de gestion des autorités indigènes ou paysannes sont particulièrement préoccupantes, dans la mesure où la constatation de leur incapacité ou de leur corruption sont souvent l'excuse recherchée par les secteurs conservateurs et les élites locales pour reprendre le pouvoir, considérant qu' « on leur a laissé leur chance », mettant ainsi en danger le processus engagé sur le chemin d'une représentation politique plus équitable.

Dans ce cadre, Xavier Albó soutient qu'un élément important pour que l'usage du pouvoir par les dirigeants paysans et indigènes se fasse de manière positive est que le dirigeant en question ait une organisation sociale forte derrière lui, sans quoi il risque d'être absorbé par le système et de rechercher davantage son profit personnel que le bien commun.

1.3. Le pouvoir local comme tremplin vers d'autres nivaux de pouvoir

L'opportunité de « faire ses armes » au niveau local, parfois en passant par l'échelon « comité de vigilance », puis « conseil municipal » pour ensuite arriver à la tête du pouvoir exécutif municipal, permet à de nombreux maires d'aspirer à des niveaux de pouvoir supérieurs. Comme le mentionne M. Urioste, il existe d'ailleurs souvent une certaine concurrence entre les maires et les préfets, dans la lutte pour les leaderships politiques régionaux et locaux. En effet les maires, qui conduisent des gouvernements autonomes, ont maintenant plus d'attributions que les préfets, certes sur un territoire d'action plus réduit, mais qui permet de montrer des résultats de gestion concrets, en particulier les « projets », facilement capitalisés politiquement. De nombreux maires se présentent donc pour être élus comme députés ou sénateurs.

Au cours des élections générales de 2002, pour la première fois au cours de l'histoire de la Bolivie , est élu un Parlement avec une importante représentation indigène. L'opinion de M. Urioste, pourtant souvent critique par rapport au processus, est qu'«  aucun des indigènes qui se trouvent aujourd'hui au Parlement ne serait arrivé à ce niveau sans le processus de la participation populaire  ». Il est en effet difficile de penser que cette avancée démocratique aurait pu avoir lieu sans la participation populaire, qui a servi d'espace d'apprentissage à une bonne partie de ces parlementaires, par l'occupation d'espaces de pouvoir local. Le revers de la médaille est que de nombreux parlementaires indigènes ont également été absorbés par le système ou manipulés par les partis politiques, leur ôtant tout protagonisme pour la défense des intérêts des secteurs qu'ils représentent. Ici encore, on peut penser qu'il s'agit d'un processus d'apprentissage nécessaire avant que la Bolivie ne dispose d'un Parlement réellement représentatif, même si d'autres s'interrogent sur le risque que la loi de participation populaire ait finalement affaibli la lutte collective des peuples indigènes en encourageant les désirs de pouvoirs individuels de leurs leaders.

1.4. Gouvernabilité

Alors qu'au niveau national la démocratie n'est exercée qu'au moment des élections et à travers de partis politiques qui ont perdu toute légitimité et qu'au niveau départemental il n'existe pas de représentation démocratique directe, le niveau municipal est clairement le niveau qui offre le plus de possibilités pour que la société participe dans la gestion publique. Cette réalité, doublée d'une plus grande représentativité de la démocratie due à la participation politique des secteurs indigènes et paysans, fait que la décentralisation municipale a permis - au moins au niveau local - d'améliorer la légitimité, la représentativité et la crédibilité l'administration publique.

Certains analystes vont même jusqu'à considérer que la participation populaire, en facilitant l'insertion sociale des groupes les plus marginalisés, est l'élément qui a permis de canaliser l'insatisfaction populaire et d'éviter l'apparition de mouvements violents type Sentier Lumineux en Bolivie. On peut discuter sur le fait de savoir si les traditions culturelles des paysans et indigènes en Bolivie se prêtent à l'apparition de groupes armés et si la participation populaire a ou non joué un rôle à ce propos. D'autre part, ce raisonnement est également repris par le MAS, du leader indigène Evo Morales, qui estime que c'est son parti politique qui a permis de canaliser de manière pacifique l'insatisfaction des paysans et indigènes, qui y ont trouvé une façon de faire entendre leur voix démocratiquement et sans recourir aux armes.

Néanmoins, on peut observer à la lumière des évènements des dernières années, que ni la participation populaire ni le MAS n'ont réellement réussi à canaliser les frustrations de la population. Le scénario de conflictualité exacerbée que la participation populaire a voulu changer, est de nouveau à l'ordre du jour.

1.5. Conclusion

La Loi de Participation Populaire, qui dans certains cas a bénéficié aux élites locales, a néanmoins permis une importante redistribution du pouvoir politique, social et économique, ouvrant un espace à la participation de nouveaux sujets sociaux et politiques qui jusque là étaient restés marginalisés, et qui ont trouvé dans la dimension locale un espace pour s'incorporer à la vie nationale. Si le problème structurel de la discrimination et de l'exclusion pour des raisons culturelles n'a pas encore été dépassé, la participation accrue des leaders indigènes et paysans à la vie politique au niveau local et national crée les conditions pour que la situation évolue positivement. L'objectif de réduire le fossé entre l'Etat et la société civile, s'il a enregistré quelques résultats positifs au niveau local, est quant à lui encore loin d'être atteint au niveau national.

2. Equité et efficience pour améliorer les conditions de vie

Le postulat de base de la Loi de Participation Populaire est que la participation des acteurs concernés dans la gestion du développement local et l'application du principe de subsidiarité permet une plus grande efficience dans l'allocation des ressources, une plus grande appropriation des projets et finalement une meilleure gestion publique. Cette hypothèse provient des méthodologies appliquées par les projets de développement et les ONGs au développement local, et la Loi de Participation Populaire a fait le pari d'étendre ce raisonnement à l'espace de la gestion publique.

J'analyserai ici l'amélioration de l'équité dans l'allocation des ressources qu'a permis la décentralisation municipale et son impact sur la couverture et la qualité des services sociaux avant de m'attaquer à la question, beaucoup plus large, de la lutte contre la pauvreté.

2.1. Equité dans la distribution des ressources

Avant le processus de décentralisation, le Gouvernement Central décidait de la destination finale de 75% de l'investissement public, alors qu'actuellement ce pourcentage est passé à approximativement 30%. L'assignation budgétaire du Gouvernement Central vers les municipalités - 20% des revenus des impôts intérieurs et douaniers - est actuellement la plus élevée d'Amérique Latine.

Il faut savoir qu'avant la Loi de Participation Populaire, les revenus de coparticipation tributaire étaient perçus uniquement par les municipalités où étaient enregistrés les domiciles légaux des entreprises contribuables. Les plus grandes entreprises de Bolivie se trouvant dans les villes de La Paz , Cochabamba et Santa Cruz, elles recevaient 90,8% de la coparticipation alors qu'elles ne représentaient que 11% de la population. Dans tout le pays, seules 23 municipalités sur un total de 311 avaient des revenus annuels supérieurs à $us 1.000.

La Loi de Participation Populaire a permis d'instaurer un principe d'équité dans l'allocation des ressources de coparticipation tributaire, qui se fait maintenant de façon automatique en fonction de la population de chaque municipalité. Ce résultat en termes d'équité dans l'allocation des fonds publics, qui à mon avis représente en soi un résultat extrêmement positif de l'application de la loi, ne garantit pas un impact positif sur l'accès aux services, sur les conditions de vie ou sur la lutte contre la pauvreté dans les zones rurales, mais rend possible cet impact.

La Loi du Dialogue renforce ce résultat en instaurant le principe de discrimination positive: les fonds provenant de l'allègement de la dette (initiative HIPC II) sont maintenant distribués aux municipalités en fonction de leurs niveaux de pauvreté. Cette décision, prise au cours du Dialogue National 2000, a permis aux municipalités les plus pauvres de recevoir plus de fonds, renforçant le principe d'équité instauré par la Loi de Participation Populaire.

2.2. Couverture et qualité des services sociaux

Le recensement de 2001 montre des résultats positifs en termes de couverture de services de base, santé et éducation. Ces résultats s'expriment par une nette amélioration de l'indice des Nécessités de Base Insatisfaites dont je traite dans la partie relative à la lutte contre la pauvreté. Cet indice est en effet largement accepté dans le pays comme une mesure de la pauvreté, et il mesure entre autres l'accès de la population aux différents services sociaux. Retenons qu'en dix ans, 70.000 projets d'investissement ont été exécutés dans les municipalités, ce qui a permis d'augmenter l'accès à ces services pour de nombreuses communautés.

Comme bémol à cette constatation positive, on peut noter que dans le secteur de la santé comme dans celui de l'éducation, une grande partie de l'investissement sert à la construction d'infrastructure, et les projets ayant pour objectif d'améliorer la qualité de ces services sont encore rares.

Dans le secteur de la santé, les résultats du processus de renforcement de la participation de la communauté dans la gestion des services sont encourageants mais encore très insuffisants. A ce jour, les DILOS ont été conformés dans toutes les municipalités du pays mais ceci ne signifie pas qu'ils connaissent leurs attributions et coordonnent leurs actions. De plus, le représentant du comité de vigilance est souvent démuni face au médecin et au maire, ce qui ne garantit pas toujours une bonne représentation de la société civile. Au niveau de la planification participative, le secteur de la santé n'est pas toujours vu comme une priorité, ce qui se reflète dans les dépenses en santé des municipalités qui ne représentent que 10% des dépenses publiques en santé. En ce qui concerne les indicateurs, on peut noter la couverture d'accouchements réalisés avec l'appui de professionnels de la santé, qui a augmenté de 25% en 1994 à 52% en 2001. La mortalité infantile est passée de 75 pour mille naissances en 1992 à 59 pour mille en 2000. Si l'accès géographique a été amélioré dans la plupart des zones rurales par la construction d'infrastructure et des efforts ont été faits pour faciliter l'accès économique par des programmes de soins gratuits, les barrières culturelles à l'accès restent importantes et ne seront levées que par une plus grande participation de la population, permettant un réel dialogue avec le corps médical.

En ce qui concerne le secteur de l'éducation, la nécessité de compter avec la participation active des parents d'élèves pour améliorer la qualité de l'éducation a été suffisamment démontrée. Il existe de nombreuses expériences positives qui montrent que lorsque les différents acteurs impliqués coordonnent leurs actions, cela permet d'élaborer des stratégies pour que la municipalité connaisse un développement éducatif planifié et concerté. Par rapport au secteur de la santé, le secteur de l'éducation a connu un développement plus important des processus participatifs, grâce à l'impact de la Loi de Réforme Educative qui a pris la participation populaire comme un des piliers de sa stratégie, ce qui a permis de donner une impulsion supplémentaire au processus. Les municipalités comprennent peu à peu que la qualité de l'éducation ne se limite pas à une bonne infrastructure éducative et, sur demande des parents d'élèves, elles commencent à inclure le financement de projets pédagogiques dans leurs POAs.

Finalement, un dernier problème, tant en santé comme en éducation, est que les infrastructures construites par les gouvernements municipaux sont parfois dépourvues du personnel nécessaire pour les faire fonctionner, puisque celui-ci ne dépend pas du gouvernement municipal mais est assigné par le service correspondant de la préfecture. Cette difficulté provoque l'existence de centres de santé et d'écoles inutilisées dans les municipalités, ce que certains n'hésitent pas à appeler «  les éléphants blancs de la participation populaire  ».

2.3. Lutte contre la pauvreté

Du point de vue du développement, la question de savoir si la Loi de Participation Populaire est un instrument adéquat pour lutter contre la pauvreté est probablement l'élément central à l'heure d'évaluer l'impact de cette réforme. Il faut bien sûr remarquer que la décentralisation n'a pas augmenté les fonds destinés à l'investissement public mais seulement permis leur réallocation. La question centrale est donc de savoir si cette allocation de ressources se fait réellement de façon plus efficiente lorsque les décisions sont prises au niveau municipal, avec la participation de la population.

2.3.1. Mesures de la pauvreté

Les deux méthodes de mesure de la pauvreté les plus utilisées en Bolivie sont la méthode des Nécessités de Base Insatisfaites (NBI) et la méthode de la Ligne de Pauvreté.

La méthode des NBI mesure les carences en infrastructure d'habitation, accès à l'eau et assainissement de base, utilisation d'énergie, accès aux services de santé et niveau d'éducation. Elle considère comme « pauvre » la population qui ne peut pas satisfaire un niveau minimum de ces nécessités.

La méthode de la ligne de pauvreté mesure la pauvreté sur base de revenus des familles. Elle détermine un niveau de revenus minimum nécessaire aux foyers pour accéder à un panier de biens et services leur permettant d'accéder à un niveau de vie décent, et considère comme pauvres les foyers ayant un revenu inférieur à ce revenu minimum.

On peut donc en conclure que la première méthode mesure la pauvreté structurelle et le second la pauvreté conjoncturelle.

2.3.2. La pauvreté en Bolivie

Méthode NBI

Selon la méthode des NBI, en 1976 85,5% de la population bolivienne vivait dans la pauvreté, en 1992 cet indicateur était descendu a 70,9% et lors du dernier recensement de 2001, la taux de pauvreté était de 58,6%. Ces taux sont différenciés pour les zones urbaines et les zones rurales selon le tableau suivant :

Evolution de la pauvreté selon la méthode des NBI

Année

pauvreté totale

pauvreté urbaine

pauvreté rurale

1976

85,5%

66,0%

98,0%

1992

70,9%

53,1%

95,3%

2001

58,6%

39,0%

90,8%

Le graphique suivant montre que le rythme de la diminution de la pauvreté s'est accéléré après 1992, année correspondant approximativement à l'application de la Loi de Participation Populaire. Concrètement, la diminution moyenne de la pauvreté fut de 0,91% par an durant la période pré participation populaire (1976-1992) et de 1,37% par an entre 1992 et 2001.

Variation moyenne annuelle inter-recensement

 Période

Pauvreté totale

Pauvreté urbaine

Pauvreté rurale

1976-1992

- 0,91%

- 0,81%

- 0,17%

1992-2001

- 1,37%

- 1,57%

- 0,50%

Selon la même étude, entre 1992 et 2001, les avancées les plus importantes se montrent dans les services d'eau et assainissement de base (diminution de 17,9% des nécessités insatisfaites durant la période), ainsi que dans l'accès à l'éducation (diminution de 16,6% des NBI) et l'accès à la santé (diminution de 15,7% des NBI). Ceci peut s'expliquer par une amélioration des couvertures grâce à une meilleure répartition des ressources qui a permis la construction d'écoles, de postes de santé et de systèmes d'eau et d'assainissement dans des zones qui avant la participation populaire ne recevaient pratiquement pas d'appui de l'Etat bolivien. Il est bien sûr impossible d'attribuer ces résultats, par ailleurs très modestes, à la Loi de Participation Populaire, étant donné que l'évolution de la pauvreté peut être influencée par les politiques internes mais aussi par les conditions macroéconomiques et les équilibres externes. On se contentera donc de noter que la pauvreté a diminué à un rythme plus rapide durant les années correspondant à l'application de la loi, sans en tirer plus de conclusions.

On peut encore noter que les indicateurs de NBI dont les déficiences ont le moins diminué sont ceux liés au type d'habitat et à l'utilisation d'énergie, qui correspondent à des secteurs dont l'amélioration dépend surtout du pouvoir économique des foyers, ce qui est corroboré par le bilan décevant de la diminution de la pauvreté mesurée par les revenus familiaux, comme nous le verrons plus loin. D'autre part, dans l'analyse des données désagrégées entre les zones rurales et les zones urbaines, il apparaît clairement que la pauvreté s'est réduite de manière plus rapide dans les villes que dans les zones rurales, ce qui est paradoxal étant donné que la Loi de Participation Populaire a été mise en place surtout dans le but de corriger les déséquilibres historiques dans l'attribution des ressources entre villes et campagnes, et avait donc implicitement pour but d'aider avant tout au développement des zones rurales.

Méthode de la Ligne de Pauvreté

Selon la méthode de la ligne de pauvreté - mesurant la pauvreté par les revenus des foyers - la pauvreté en Bolivie a augmenté entre 1997 et 2002. L'Institut National de Statistiques ne fournit malheureusement pas d'estimation selon cette méthode des niveaux de pauvreté antérieurs à 1997. La mesure de la pauvreté selon cette méthode est beaucoup plus variable d'une année à l'autre et dépend plus de facteurs conjoncturels, en particulier les variables macroéconomiques et la répartition des revenus.

D'autre part, des estimations réalisées par l'UDAPE sur l'élasticité de la pauvreté face à la croissance montrent que l'augmentation de 1% du revenu par habitant provoque une diminution de 0,6% de la population pauvre dans les zones urbaines et de 0,3% dans les zones rurales, ce qui démontre que « la croissance en Bolivie n'a définitivement pas été pro-pauvres  ».

Conclusion

Si la pauvreté a légèrement diminué selon la méthode des nécessités de base insatisfaites, elle a augmenté selon la méthode de la ligne de pauvreté. Il existe donc une asymétrie évidente entre l'amélioration de la provision de services de base et le manque de progrès dans l'augmentation des revenus de la population.

Une étude menée par l'OCDE dans 19 pays conclut globalement à un impact positif de la décentralisation sur la pauvreté en Bolivie, plaçant même cette dernière entre les trois pays ayant obtenu les meilleurs résultats. Néanmoins, dans cette étude les indicateurs utilisés pour mesurer l'impact sur la pauvreté sont au nombre de trois : augmentation de la capacité des groupes exclus à se faire entendre, réduction de leur vulnérabilité et accès aux services. Ces trois indicateurs n'incluent pas de mesure de la génération de revenus qui comme nous l'avons vu, représente la grande faiblesse de la Bolivie en ce qui concerne la lutte contre la pauvreté. On est en droit de se demander si l'amélioration de ces trois indicateurs permet réellement d'affirmer que l'impact de la décentralisation sur la pauvreté a été positif.

3. Autres résultats

3.1. Aspects socio-culturels

3.1.1. L'expérience des Districts Municipaux Indigènes

Selon Jorge Arias, 158 districts municipaux indigènes étaient recensés en 2002, 65% dans la zone andine et 35% correspondant aux peuples de l'Amazonie. Néanmoins, certains districts indigènes ne fonctionnent que « sur le papier », et peu d'entre eux ont élaboré leur plan de développement, à cause du coût élevé de son élaboration, du désintérêt du gouvernement municipal pour le financer et du manque de connaissances des autorités indigènes en ce qui concerne les lois et normatives. Une des grandes difficultés est que la plupart des territoires indigènes appartiennent à plus d'une municipalité et selon la loi, la préservation de l'unité doit se réaliser dans ce cas par la conformation d'une « mancommunauté de districts municipaux ». Cette alternative est néanmoins très difficile à appliquer dans la réalité, en particulier à cause de la résistance des gouvernements municipaux.

Dans certains cas la demande de conformation de districts indigènes a été une réaction de certaines communautés qui se sentaient abandonnées par leur gouvernement municipal, ce qui a parfois produit une « ré-indigénisation » quasi artificielle, dans le but d'accéder à plus de droits. Néanmoins, le problème de l'attention aux communautés les plus éloignées n'est pas automatiquement résolu par la création du district indigène puisque celui-ci n'est pas toujours considéré comme une unité de planification et les maires adjoints qui y ont été nommés n'ont généralement pas l'indépendance désirée dans l'administration des ressources.

Dans d'autres cas, la motivation socioculturelle était plus forte et certains districts indigènes ont été jusqu'à se transformer au fil du temps en municipalités indigènes, reconnues par la Loi du Dialogue 2000. Il existe actuellement cinq municipalités indigènes dans le pays, mais les idées ne sont pas claires sur la réalité que recouvre ce vocable. Certain n'y voient rien de plus qu'une municipalité dans laquelle les habitants s'auto-identifient comme indigènes, et considèrent que la « démonopolisation » des partis politiques permettra « de facto » aux municipalités à forte majorité de population indigène de se convertir en municipalités indigènes. D'autres vont plus loin et défendent la nécessité de reconnaître les territoires communautaires et de donner une plus grande flexibilité aux normes, en particulier administratives, de façon à ce qu'elles s'adaptent réellement aux « us et coutumes » de chaque unité socioculturelle.

La Loi INRA prévoit en effet que la communautés indigènes puissent demander la reconnaissance de la propriété collective de la terre, sous la forme des « Territoires Communautaires d'Origines » (TCO's). Les TCO permettent de donner une plus grande autonomie aux groupes culturels qui ont une forme d'organisation différente, et en ce sens ils approfondissent et améliorent la Loi de Participation Populaire.

3.1.2. Influence sur l'organisation sociale

«  La Loi de Participation Populaire approfondit et accélère les processus de différentiation sociale, dissout les formes de solidarité territoriale, affaiblit les relations entre les communautés et leurs autorités, et place en premier lieu la valeur du politique face au social ». Par cette phrase, José Blanes résume son opinion sur l'influence de la Loi de Participation Populaire sur les communautés aymaras de Bolivie.

D'après lui, la Loi de Participation Populaire marque le début d'un processus où la solidarité intercommunautaire est affectée par la concurrence autour des projets d'infrastructure, qui approfondit les conflits entre les communautés. Les relations entre communautés s'affaiblissent au profit des relations avec le gouvernement municipal et avec les partis politiques. Les relations des communautés avec leur gouvernement municipal prennent également de plus en plus d'importance par rapport au lien avec leurs organisations matrices traditionnelles, et même l'identification ethnique et culturelle perd de l'importance au profit de l'appartenance à telle ou telle municipalité.

D'après Blanes, les dirigeants communautaires sont également remis en question par leurs bases s'ils ne réussissent pas à obtenir les projets d'infrastructure pour leur communauté, ce qui revigore le lien entre le dirigeant et ses bases, mais affaiblit également son autorité. Les dirigeants sont aussi souvent cooptés par les partis politiques, ce qui marque le début des rivalités politiques entre les communautés.

Pour d'autres auteurs, le processus d'implémentation de la participation populaire ne respecte pas las us et coutumes des peuples indigènes, impose des règles étrangères à leur réalité, divise les peuples indigènes par le système électoral, affaiblit les organisations locales en impliquant leurs dirigeants dans les affaires municipales et en annulant leur capacité critique et crée de fausse expectatives dans la population indigène.

Quoi qu'il en soit, il est très difficile de pouvoir isoler une cause des changements sociopolitiques à l'intérieur des communautés indigènes et paysannes et les processus de modernisation accélérée causant dans de nombreux cas la perte d'identité communautaire, n'ont pas attendu la Loi de Participation Populaire pour s'installer.

A ce propos, Miguel Urioste signale néanmoins différents scénarios possibles quant à l'influence de la Loi de Participation Populaire sur les communautés et leur culture.

Selon un scénario pessimiste une nouvelle ère de «  modernisation incorporative  » serait en cours, détruisant les héritages indigènes et culturels des campagnes, la municipalisation contribuant à approfondir la déstructuration des ayllus et des territoires indigènes. L'influence des partis politiques traditionnels s'élargit et on assiste à une extension de la relation clientéliste. Selon un scénario optimiste, le processus de déstructuration s'interrompt grâce aux tissus sociaux et aux traditions de lutte populaire qui se sont développés, et on assisterait à un processus de renforcement du pouvoir populaire et des unités culturelles les plus importantes, appuyé par des réformes et des mesures bien pensées quant à la gestion du territoire. Les organisations populaires se réapproprient de la politique obligeant les partis à se montrer plus concernés par la représentation populaire qu'ils réclament.

3.2. Equité de genre

La Loi de Participation Populaire inclut entre les devoirs des OTBs celui de «  promouvoir l'accès équitable des femmes et des hommes aux niveaux de représentation  » et parmi les compétences municipales celle «  promouvoir et encourager des politiques qui incorporent les nécessités des femmes  ». La Loi de Municipalités renforce cette idée en imposant d'  « incorporer l'équité de genre dans le dessin, définition et exécution des politique, plans, programmes et projets municipaux ».

Il s'agit néanmoins de dispositions très générales et peu opératives pour la promotion de l'équité de genre. Un diagnostique réalisé en 1999 montre en effet que dans les OTBs et les comités de vigilance la participation des femmes est extrêmement limitée, avec une proportion respectivement de 1 à 24 et 1 à 8.

En ce qui concerne la représentation féminine dans les instances de pouvoir municipal, le code électoral, incorporant les modifications introduites par la Loi de 1997 connue comme la « Loi des Quotas », oblige les partis politiques à « incorporer au moins 30% de femmes » dans leurs listes pour l'élection de conseillers municipaux. C'est probablement cette mesure qui a eu l'impact le plus important, puisqu'une comparaison entre les élections municipales de 1996 et 2000 montre une augmentation de 100% des femmes occupant des postes de conseillères municipales (de 128 en 1996 à 256 en 200) et de 53% des femmes ayant été élues maires (de 13 à 20). Cette avancée est importante, même si ces chiffres sont encore faibles puisqu'ils ne représentent une présence féminine que de 6,36% à la tête de l'exécutif municipal. En 2004, la Loi N º2771 va plus loin, obligeant les « groupements citoyens » et « peuples indigènes » se présentant aux élections à «  établir un quota minimum de 50% pour les femmes (.) suivant un principe d'alternance  ».

De nombreux problèmes subsistent néanmoins en ce qui concerne la participation politique des femmes au niveau local. Certains partis politiques incluent une présence féminine dans leurs listes uniquement dans le but de s'adapter aux exigences légales, mais sans aucune volonté réelle de prendre en considération cette représentation féminine. Les cas de discrimination et de harcèlement psychologique sont légion dans les municipalités rurales, comme en témoignent les fréquente plaintes de l'Association de Conseillères Municipales de Bolivie (ACOBOL).

 



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Mis en ligne le 16/07/06