Textile Andin Aguayos traditionnels Tarabuco Jalq'a Japo

Le Tissage Andin de Jalq'a

Introduction: Tarabuco et Jalq'a

Ces deux communautés vivent près de Sucre, et paraissent avoir formé une unité politique dans des temps plus reculés (les Yamparas), avant la colonisation espagnole. Ils ont tous deux développé un art textile riche et complexe, et très différent.
Les Jalqa's représentent un groupe ethnique de 26.000 personnes. Ils se reconnaissent comme groupe et sont repartis en plusieurs communautés.
Les Tarabucos tirent leur nom d'un village proche de Sucre, et même s'ils parlent la même langue et forment une culture unie, ils ne se reconnaissent pas comme groupe. Seuls les étrangers les appellent d'ailleurs « Tarabucos ».

Les textiles de Tarabuco et de Jalq'a

L'axsu, pièce majeure du tissage, est la pièce centrale de l'habillement féminin, elle affirme l'appartenance ethnique de la femme qui la porte. Porté à l'arrière, sur la robe, l'axsu se compose de deux pièces cousues à hauteur de la ceinture. En haut et en bas, deux bandes de tissus plus ou moins larges forment des dessins complexes, les « Pallay ». Le pallay est la zone d'expression, caractérisant les groupes ethniques. Au milieu un espace uni, noir ou marron, est appelé « Pampa ».

Dans une étude récente, les ethnologues ont mis en lumière le fait que les pallays de Tarabuco et de Jalq'a se sont construits l'un par rapport à l'autre, entretenant de facto un dialogue entre les deux communautés à travers leurs textiles.

Les tissus de JALQ'A

Organisation de l'espace

Les textiles de Jalq'a sont le plus souvent d'un espace unique sans aucune segmentation, mais on trouve quelques exemples d'un espace central entouré de deux bandes. Mais même dans ce cas de « segmentation », elle n'est pas claire puisque les trois bandes ne sont pas séparées par un élément visible mais accolées et que les sujets sont identiques dans les 3 zones de l'axsu, voire qu'ils « débordent » d'une zone à l'autre.

Dans tous les cas de figures, les axsu de Jalq'a représentent un espace continu, fluide qui s'articulent sans coupures évidentes (à gauche) , hormis dans de rares cas, plus anciens comme ci-contre à droite.

Chromatisme

Les tonalités utilisées produisent deux effets :

Une rencontre de deux couleurs qui doivent être distinctes pour que les figures soient visible sur le fond, mais également produire une impression d'union. Deux couleurs se rencontrent quand l'une tient quelque chose de l'autre. Le chromatisme Jalq'a évite le contraste pour privilégier un effet unificateur de deux tons.

L'obscur, les tissus Jalq'a ne présentent jamais de blanc, de jaune, bleu clair, roses, verts clairs, beiges, gris clair. bref aucun ton qui pourrait faire penser à la lumière du soleil. La rencontre de deux couleurs sombres ajoutant à la compréhension des figures, révélant l'intention volontaire de rendre la lecture du tissus difficile.

Formes

Les formes sont ici très complexes, sinueuses, qui reviennent su elles-mêmes. Il est parfois difficile de les capter. Les lignes, les contours des formes sont flous, rompus ; les successions de lignes droites qui les composent la rendent imprécise et floue. A l'intérieur des plus grandes formes on en trouve d'autres plus petites. Etant donné la limitation des couleurs (deux), on confond les fonds et les formes : la couleur du fond devenant figure et inversement. La construction des figures de Jalq'a montrent une relation ambiguë entre le fond et les figures qui rend difficile la captation de ces dernières.

Sujets

La nature des représentations est chaotique ; les figures sont partout, de toutes les tailles, les formes parfois se touchent, on ne sait pas toujours très bien où elles commencent et où elles se terminent.

Les textiles de Jalq'a représentent un monde obscur, peuplé d'êtres étranges. Ils n'expriment pas une société humaine, mais un monde fabuleux, celui de « Saxra », dieu des profondeurs de la terre et des lieux éloignés.

La représentation la plus commune est un animal fantastique, appelé génériquement « khurus » (sauvage, indompté et indomptable en Quechua). On peut les classer en plusieurs types:

• Les animaux qui existent dans le monde réel. Toutefois, leur représentation anatomique ou leur position les rend uniques ou irréels.
• D'autres khurus appartiennent à des milieux écologiques lointains, jamais parcourus par les Jalq'a, comme les lions. Leur présence indique que l'espace représenté est un lieu inconnu.
• Des animaux imaginaires: oiseaux à quatre pattes, à deux têtes, mammifères ailés, animaux avec des yeux sur leurs queues ayant des langues en forme de flèches..

On trouve également des figures humaines dans les tissus de Jalq'a. Rares, petites, statiques, sans détails, sans vêtements, sans objets, asexuées, elles sont toujours perdues dans ce monde rempli d'animaux grands et étranges. Dans ce monde, l'homme n'a pas sa place et ne domine rien. Le dernier personnage des tissus de Jalq'a est « Supay » ou « Saxra », dieu des profondeur et des eaux souterraines, mais également dieu des endroits solitaires, de la pénombre, quand le brouillard couvre le paysage. Saxra correspond a l'imprécis, à la perception difficile, à l'obscurité, aux couleurs changeantes, mais également à la création artistique et à la procréation. Les khurus se reproduisent d'ailleurs sans cesse dans les tissus de Jalq'a et les petits (plus petits animaux dans les grands) sont toujours d'une espèce différente de celle de ses géniteurs.

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