Liens de la Loi de Participation Populaire avec d'autres lois
Bien que s'agissant de lois promulguées postérieurement à la Loi de Participation Populaire, j'ai choisi de présenter ici très brièvement certains aspects de la Loi de Décentralisation Administrative, de la Loi de Municipalités et de la Loi du Dialogue, trois normes importantes qui complètent la Loi de Participation Populaire, et qui en sont indissociables. Je termine par un bref aperçu du processus dans les secteurs de la santé et de l'éducation, où d'autres lois et normes sont également venues compléter la Loi de Participation Populaire.
1. Participation Populaire et Loi de Décentralisation Administrative
En 1995, un an après le lancement de la Loi de Participation Populaire, est approuvée la Loi de Décentralisation Administrative, afin de viabiliser la déconcentration au niveau départemental et améliorer l'efficience de l'administration publique. Avec cette loi, les départements reçoivent des attributions de caractère technico-administratif, mais il ne s'agit pas de décentralisation politique, puisque les autorités départementales ne sont pas élues mais continuent d'être nommées par les autorités centrales. Le préfet en particulier, et désigné directement par le Président de la République et l'existence de sous-préfets au niveau provincial et de « corregidores » au niveau cantonal est ratifiée.
La Loi de Décentralisation Administrative précise que les PDD (Plans de Développement Départementaux) doivent être formulés en coordination avec les gouvernements municipaux et le Ministère de Développement Durable, dans le cadre du Plan de Développement National. La préfecture est également chargée d'administrer et superviser le personnel d'éducation, de santé et d'assistance sociale.
Une des plus grandes nouveautés de la loi est la création d'un « conseil départemental », « organe collégial de consultation, contrôle et fiscalisation (.) des actes administratifs du préfet ». Ce conseil est composé par un représentant de chaque province, choisi par les conseillers municipaux des municipalités qui la composent, et peut être vu comme l'instrument permettant de relier les structures départementale et municipale. Le conseil départemental approuve les plans, programmes et budgets départementaux, fiscalise les actions du préfet. Le préfet est obligé de consulter le conseil départemental pour prendre des décisions de gestion importantes et peut être censuré par celui-ci, avec une majorité des deux tiers.
2. Participation Populaire et Loi de Municipalités
La Loi de Municipalités de 1999 remplace la « Loi Organique de Municipalités » et adapte la législation municipale à la nouvelle situation créée par la Loi de Participation Populaire.
Un des aspects les plus importants de la Loi de Municipalités est qu'elle cherche à augmenter la coordination des gouvernements municipaux avec les préfectures et leur implication dans la promotion économique, tout en encourageant la participation des agents économiques privés dans la gestion locale Elle inclut dans en effet dans les compétences municipales la « promotion de la croissance économique en coordination avec la préfecture départementale (.) en impliquant les agents économiques locaux et externes ». Elle oblige également le comité de vigilance à se doter d'un « Conseil Consultatif » conformé par des organisations de producteurs et institutions de la municipalité, pour appuyer « techniquement et logistiquement les actions (.) de promotion de la croissance économique ».
La Loi de Municipalités ratifie l'obligation d'appliquer la planification participative « comme mécanisme de gestion publique pour atteindre le développement humain soutenable » et d'élaborer un plan de développement municipal, sans quoi les municipalités ne pourront pas accéder aux fonds de coparticipation tributaire.
3. Participation Populaire et Loi du Dialogue
Le Dialogue National 2000 a permis de discuter de la Stratégie Bolivienne de Réduction de la Pauvreté et en particulier des modalités d’assignation des fonds provenant de la réduction de la dette extérieure du pays (HIPC II ).
La Loi du Dialogue, a pour objectif d’établir les mécanismes de gestion de la Stratégie de Réduction de la Pauvreté et détermine les critères de distribution de ces fonds – approximativement 1.500 millions de dollars en 15 ans.
La Loi assigne une partie des fonds d’allègement de la dette à la couverture des carences de personnel dans les secteurs de l’éducation et de la santé, par le biais du Fonds Solidaire Municipal pour l’Education et la Santé Publique , et distribue le solde aux municipalités de la façon suivante:
- 70% en fonction de la pauvreté, par un système de pondération de la population de chaque municipalité en fonction des niveaux de pauvreté. Ces fonds sont destinés à financer des programmes productifs et sociaux.
- 30% en fonction de la population de chaque municipalité. Ces fonds sont destinés à l’amélioration de la qualité des services d’éducation (20%) et de santé (10%).
Cette distribution introduit le concept de discrimination positive en ce sens que l’allocation d’une partie des ressources se fait en fonction des niveaux de pauvreté. Cette modalité permet que les municipalités les plus pauvres, qui sont souvent les moins peuplées, reçoivent d’avantages de fonds HIPC par habitant.
La Loi du Dialogue inclut également une réforme des Fonds Nationaux d’Investissement qui sont une source importante de cofinancement pour les municipalités, dans le but d’augmenter leur efficience en introduisant par exemple des mécanismes de représentation de la société civile.
Finalement, elle étend les compétences des comités de vigilance au contrôle des fonds HIPC et aux ressources propres des municipalités et transforme le « Conseil Consultatif », créé par la Loi de Municipalités pour conseiller le comité de vigilance, en « Comité de Développement Productif Economique et Social » (CODEPES). Le CODEPES a maintenant la possibilité d’émettre des opinions astreignantes en ce qui concerne la destination des ressources provenant de l’allègement de la dette. La Loi du Dialogue crée également les Mécanismes Départementaux et National de Contrôle Social afin d’étendre le contrôle de la société civile à ces niveaux de pouvoir. 4. Participation Populaire en santé et éducation
Tant dans le secteur de la santé comme dans celui de l’éducation, les principes directeurs de la Loi de Participation Populaire ont donné naissance à d’autres lois et décrets, ainsi qu’à des projets nationaux qui ont tenté de les mettre en oeuvre. J’analyse ici très brièvement les principes qui gouvernent la gestion de la santé et de l’éducation dans le cadre de la participation populaire
4.1. Santé
Comme nous l’avons vu, la Loi de Participation Populaire a transféré aux gouvernements municipaux la responsabilité de construire, entretenir, équiper et assurer le fonctionnement de l’infrastructure de santé, ainsi que la provision de médicaments et le financement d’assurances de santé . Le Ministère de la Santé garde la responsabilité du fonctionnement des programmes nationaux et les Services de Santé Départementaux (SEDES) couvrent les ressources humaines.
4.1.1. Modèle de Gestion Concurrente de la Santé
« Les personnes ont le droit et le devoir de participer individuellement et collectivement dans la planification et implémentation de leur attention sanitaire » . La Loi de Participation Populaire et les normes qui y sont rattachées en ce qui concerne le secteur de la santé, tentent de mettre en pratique ce principe de la Déclaration d’Alma Ata.
La dernière réforme du système de santé date de 2003, avec la Loi SUMI , qui jette les bases du nouveau Modèle de Gestion Concurrente de la Santé. La gestion concurrente signifie que l’on cherche à faire participer les trois principaux acteurs de la gestion de la santé au niveau municipal : le gouvernement municipal, le SEDES et la population. Cette vision est représentée par le DILOS (Directoire Local de Santé), composé par le Maire de la Municipalité, un représentant du SEDES (généralement le médecin principal de la municipalité), et le comité de vigilance en représentation de la population. Le DILOS est chargé de prendre toutes les décisions pour le secteur de la santé au niveau municipal, en particulier proposer le changement ou la ratification du personnel de santé.
Cette organisation part du principe que la santé est une responsabilité partagée de ces trois secteurs, et que son amélioration au niveau municipal ne s’obtiendra qu’en obtenant l’engagement et la participation de ces trois secteurs.
4.1.2. Participation de la population
La participation de la population dans la gestion du système de santé est également encouragée par la législation et des programmes sont mis en place, le plus souvent par des ONGs, afin de conformer des « Comités Populaires de Santé » autour de chaque poste sanitaire, qui, selon la loi, doivent ensuite s’articuler en formant des « Réseaux Sociaux » au niveau municipal . Cet « empowerment » de la société civile est un des piliers de la gestion de la santé au niveau local, en partant du principe que ceux qui peuvent le mieux exprimer leurs besoins sont les usagers du service. La participation des communautés permet également de générer une conscience qui encourage des attitudes de vie salutaires.
4.2. Education
Comme pour le secteur de la santé, la Loi de Participation Populaire a transféré l’infrastructure d’éducation aux municipalités, qui ont l’obligation de l’administrer, de l’entretenir, de la rénover et de l’équiper.
Le modèle de la Réforme Educative
En février 1995 est approuvée la Loi de Réforme Educative, dont un des objectifs est « construire un système éducatif interculturel et participatif qui rende possible l’accès de tous les boliviens à l’éducation» et qui cherche à promouvoir la participation active des parents d’élèves, pour qu’ils assument leurs responsabilités et exercent un contrôle sur l’éducation. Cette réforme a permis de donner une impulsion supplémentaire au processus de participation populaire dans le secteur de l’éducation.
La Loi de Réforme Educative crée une « structure de participation populaire », qui forme un des quatre piliers de l’organisation du système éducatif national . La structure de participation populaire a pour but de répondre aux demandes des citoyens pour améliorer l’efficience et la qualité des services d’éducation. Pour ce faire, la Loi de Réforme Educative crée un système d’organisation basé sur les « associations scolaires » (Junta Escolar), sorte de comités de parents d’élèves, qui s’agrègent ensuite pour former l’« association municipale » (Junta Municipal). Ces instances de représentation de la société civile sont chargées de participer dans la planification, la gestion et le contrôle social des activités éducatives .
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