Origine de la Loi de Participation Populaire
1. ORIGINE DE LA LOI ET MODALITÉ D'ÉLABORATION
1.1. Revendications régionales
Depuis les années 50, la décentralisation régionale est une des principales demandes de la société de Santa Cruz, structurée autour des comités civiques. Les revendications de ces comités s'orientaient - et cette demande est actuellement à nouveau à l'ordre du jour - vers une décentralisation politique au niveau départemental, avec élection directe du préfet, accompagnée d'une gestion autonome des ressources fiscales et douanières générées dans chaque département, ainsi que des royalties provenant de l'exploitation de leurs ressources naturelles.
En 1992, pendant le Gouvernement de Jaime Paz Zamora (1989-1993), cette idée se matérialise enfin dans un projet de Loi de Décentralisation, approuvé au Sénat et remis à la Chambre de Députés. C'est une grande victoire pour les comités civiques départementaux, qui augmentent leur protagonisme dans le pays, menaçant par ailleurs l'hégémonie et la structure centraliste des partis politiques. De ce fait, ces derniers se montrent réticents et argumentent que cette proposition risque de désarticuler le pays en aiguisant davantage les déséquilibres entre les régions. L'approbation de la loi est finalement reportée à la période gouvernementale suivante.
1.2. L'option municipale
En 1993, le Gouvernement de G. Sánchez de Lozada arrive au pouvoir avec une grande légitimité électorale et constitue une coalition forte concentrant le pouvoir de décision dans les mains du Président. En 1993, il approuve la réforme de la Constitution , qui définit le préfet comme chef de l'exécutif départemental, « représentant du Président de la République et nommé par lui », éliminant ainsi toute possibilité d'élection directe des autorités départementales.
Certains auteurs, comme José Blanes, argumentent que « la municipalisation n'avait jamais été une proposition ni un projet d'aucun parti politique », et que « personne ne connaissait le contenu de la Loi de Participation Populaire jusqu'au moment de son envoi au Parlement ». Son opinion est que cette loi, qui évitait la création d'un niveau intermédiaire de l'Etat en se centrant sur la création de municipalités et sur la participation de la société civile dans ce cadre, prétendait mettre un point final aux mouvements civiques régionaux et aux mouvements syndicaux dirigés par la COB et par la CSUTCB. José Blanes considère également que ce processus se caractérisa par sa forme élitiste, sa rapidité et son verticalisme.
1.3. Sources d'inspiration
D'autres, comme Miguel Urioste, mettent en évidence que l'idée de la Loi de Participation Populaire est basée sur différentes sources d'inspiration et n'était pas qu'une proposition théorique « venant d'en haut ». D'après lui, les principales sources de cette loi sont les suivantes :
1) Le projet de Loi Agraire Fondamentale, présenté en 1984 par la CSUTCB , qui proposait entre autres la reconnaissance de communautés paysannes andines comme unités de gouvernement autonomes. En 1990, la CIDOB avait également élaboré un projet de Loi des Peuples Indigènes qui envisageait l'autonomie politico-administrative et l'usufruit des ressources naturelles pour les peuples indigènes de l'Amazonie.
2) Le "Plan de Todos", programme électoral du MNR, parti du candidat présidentiel G. Sanchez de Lozada, qui proposait une décentralisation politique au niveau municipal et une déconcentration administrative au niveau départemental.
3) Le Projet de Loi des Communautés, présenté en 1991 par le MBL, qui proposait la reconnaissance juridique des communautés et peuples indigènes de Bolivie et de leurs autorités naturelles, la reconnaissance de leur juridiction territoriale par la titulation des terres communales et la remise directe à ces communautés de 10% des fonds administrés à l'époque par les corporations régionales de développement (CORDES).
4) Finalement, l'expérience positive de diverses ONGs, qui exécutaient des programmes de planification micro-régionale avec la participation de la société civile rurale.
A ces éléments, il faut probablement ajouter la « Marche pour le Territoire et la Dignité des Peuples Indigènes» de 1991 où des milliers d'indigènes, marchèrent vers La Paz pour réclamer, entre autres, la reconnaissance de leurs autorités traditionnelles, leurs droits sur leurs territoires, et le droit à une participation égalitaire.
D'autres personnes, signalent le rôle fondamental de la Coopération Internationale , tant au moment de suggérer les mesures, qu'au moment de collaborer à leur implémentation. José Blanes mentionne que « peu de fois le Gouvernement a obtenu non seulement une (aussi) grande quantité de fonds mais surtout (autant) d'expectatives des mécanismes internationaux ».
1.4. Conclusion
Si certains auteurs ironisent sur le fait que cette loi ayant pour objectif d'encourager la participation sociale ait été élaborée à portes fermées par le Président et ses technocrates, il est néanmoins important de reconnaître que celle-ci synthétise différents éléments, qui ont soit été validés dans la pratique (cas des expériences de planification participative des ONGs), soit correspondent à une demande sociale ou à des propositions théoriques ayant fait l'objet de discussions antérieures. On peut également noter que les grandes lignes de la proposition faisaient partie d'un programme politique qui a été ratifié par une grande victoire électorale.
Quoi qu'il en soit, on peut retenir que l'approbation de la Loi de Participation Populaire signifie au niveau de la décentralisation la victoire de l'option municipale face à l'option départementale. De cette manière, le parti politique qui avait conduit la plus forte centralisation de l'Etat avec la Révolution de 1952 était, 40 ans plus tard, le promoteur de la plus importante décentralisation politique jamais vue en Bolivie.
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